Rammstein, le groupe de métal allemand, se livre par la voix de son guitariste Paul Landers avant son show, jeudi 18 juillet, aux Vieilles Charrues.
Les Vieilles Charrues, ça vous parle ?
Non, je ne connais pas trop. Mais on m’a dit que c’était assez gros en France. Et on aura une scène uniquement pour nous ? Je ne savais même pas…
Vous semblez privilégier des festivals grand public comme Carhaix plutôt que des événements typiquement métal. Pour quelle raison ?
C’est le genre de rendez-vous qui nous permet de toucher des gens très différents. Leur réaction nous intéresse. J’ai le souvenir d’un festival, en France (à Arras, au Mainsquare festival en 2010, NDLR), qui nous avait programmés la même journée que la chanteuse Pink, et ça nous avait beaucoup plu. Pour nous, l’idée centrale n’est pas de plaire à un public ou à un autre, c’est de faire de la bonne musique. On a du succès, c’est génial de toucher autant de monde, mais ce n’est pas pour ça initialement qu’on se produit. Je nous vois un peu comme un film de Tarantino, on fait les choses à notre façon, sans calcul, très spontanément. Le résultat est brutal, mais il peut être apprécié par un public très large qui n’irait pourtant pas forcément voir des films violents. Chez nous, il n’y a pas autant de sang qui coule. On fait plutôt parler le feu.
Vous étiez très attendus au Hellfest de Clisson, le grand rendez-vous du métal en France. Les fans français sont étonnés de vous voir privilégier une autre destination…
Je vois ce que tu veux dire (sourire gêné). Franchement, je comprends que ça puisse être frustrant. En ce moment, vraiment, on veut jouer devant un public plus large, qui ne nous connaît peut-être pas aussi bien. Mais ça n’est pas exclusif. On va quand même participer au Wacken Open air, qui est un énorme festival de métal chez nous, en Allemagne (le plus grand d’Europe, 70 000 personnes par jour, NDLR). Je peux te dire qu’eux aussi nous attendent depuis très longtemps ! Car on n’a jamais joué là-bas. Franchement, on s’excuse sincèrement auprès du public du Hellfest, on essaie de jouer partout où on nous attend, mais on est aussi trop paresseux pour répondre à toutes les demandes (rires). On est devenus musiciens parce qu’on ne voulait pas trop travailler ! On gagne beaucoup d’argent à ne rien faire ! Ou presque.
Vous accordez assez rarement des interviews. Pour quelle raison ?
Je pense juste que les musiciens devraient éviter de décrire leurs œuvres. Ils s’y prennent souvent assez mal. Ils ne sont pas les meilleurs exégètes de leur propre travail. Ceux qui savent parfaitement choisir leurs mots, sont écrivains ou philosophes. Pas musiciens. Sauf David Bowie ou Marilyn Manson, qui sont des exceptions. Trop en dire, c’est casser le mythe, la magie. Et puis quand on voit certaines interviews de groupes, et je nous mets dans le lot, on a souvent honte.
Vous pensez ne rien avoir à dire ?
Disons juste que nos interviews ne peuvent pas être à la mesure de ce que nous proposons sur scène. Je préfère que notre show et notre musique parlent pour nous. C’est comme la Tour Eiffel, on peut l’admirer sans avoir d’explication supplémentaire. On est dans la même logique que pour nos clips : on apparaît beaucoup dans nos vidéos, et tant qu’on ne parle pas, ça marche (rires). C’est un peu comme quand les footballeurs s’expriment après un match : ça n’a aucun intérêt !
Les effets pyrotechniques font partie de l’ADN de Rammstein sur scène. Au point d’en faire un peu plus à chaque tournée. Jusqu’où va aller cette surenchère ?
Je ne sais pas moi-même. En fait, dès qu’on a eu un peu d’argent, on l’a mis dans des fusées, du feu, des explosifs. Le problème aujourd’hui, c’est qu’on est devant un monstre qu’on a créé. On ne peut plus revenir en arrière. On se dit souvent qu’on devrait en faire un peu moins mais c’est le contraire qui se produit. C’est vraiment ancré en nous. On dépense tellement d’argent dans la pyrotechnie qu’à chaque fois que je vois ce que ça nous coûte, je suis moi-même choqué. Mais ça fait aussi parler de nous, ça attise la curiosité, ça ramène du public et du coup, l’argent rentre. Et on le dépense à nouveau…
Comment préparez-vous ces concerts très chauds ?
Il y a tout un staff très pro autour de nous. Le designer lumière vient des États-Unis. La scène la plus récente sur laquelle on joue a été construite en Angleterre. Celui qui l’a dessinée bosse aussi sur les derniers James Bond au cinéma. En fait, on a décidé de prendre les meilleurs dans leurs domaines. Pas le genre à faire des devis, si tu vois ce que je veux dire. Forcément ça a un coût. Les gens à qui on fait appel sont uniques dans leur domaine.
Rammstein aime provoquer, bouger les lignes, quitte à être mal compris. Comment recevez-vous les réactions que vous suscitez ?
Nous nous sentons à l’aise avec la controverse. Ça fait venir du public, ça fait parler, c’est positif. On aime jouer avec les limites du bon goût. La seule chose qu’on n’a pas aimé, c’est la comparaison avec le nazisme et l’extrême droite. On n’avait pas mesuré à quel point, en tant qu’Allemands, on était obligé de faire plus attention que les autres. Aujourd’hui, c’est déjà dépassé. Ça va, ça vient. Les choses ont été largement clarifiées. Quand on était plus jeunes, on avait plus de difficultés à s’expliquer. Ce qu’il faut juste comprendre, c’est que ça vient toujours du cœur, pas de la tête. On ne recherche pas la provocation gratuite et on ne défend aucune idéologie.
Votre dernier album Liebe ist fur alle da est sorti en 2009. À quand le prochain ?
On va d’abord faire une pause. On va prendre le temps. Pour l’instant, c’est très flou. On va commencer à y penser l’année prochaine. On est sur des projets de DVD live et d’un documentaire au cinéma.
Recueilli par Benoît GUÉRIN.