L’heure du dénouement approche. Et promet un sacré spectacle. Au terme d’une semaine très intense, les coureuses du Tour de France attaquent les deux dernières étapes, ce week-end, dans les cols du Grand-Est, avec notamment le Grand Ballon samedi et la Super Planche des Belles Filles dimanche.
Ce « Tour du renouveau », sous la coupe d’ASO qui a décidé d’y mettre les mêmes moyens que pour son pendant masculin, aura été une belle réussite. Sportive, d’abord, avec des étapes très animées et des leaders offensives. Populaire, aussi, avec de très bonnes audiences (aux alentours de 25 % de parts de marché tous les après-midi) et de plus en plus de monde au bord des routes. « C’est impressionnant, on voyait ça pour les garçons, et pour la première fois on peut vivre ça nous aussi, apprécie la Française Marie Le Net. Il y a beaucoup de médias, on reçoit plein de messages sur les réseaux, c’est génial. »
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« On n’imaginait pas avoir autant de monde aux départs, aux arrivées, dans les côtes. On profite au maximum d’avoir notre Tour de France, ajoute Aude Biannic, coéquipière de la tête d’affiche Annemiek Van Vleuten. On fait découvrir le cyclisme féminin au monde entier, c’est une reconnaissance pour notre sport et ça fait plaisir. On peut faire nous aussi de belles courses, aussi intéressantes que les hommes. » Avant ce dernier week-end, on fait le point sur la course, les athlètes qui sortent du lot et les enjeux des ultimes étapes. Avec l’avis éclairé de Paul Brousse, le sélectionneur de l’équipe de France féminine et consultant pour France TV sur ce Tour.
Ce qu’on a vu jusqu’à maintenant
Depuis la première étape sur les Champs-Elysées, dimanche, ça n’arrête pas. Même sur le tracé tout plat du lendemain, vers Provins, la bagarre a fait rage avec des tentatives de bordures des équipes FDJ-Suez et Trek-Segafredo, avant que Marianne Vos ne provoque une échappée royale avec la championne du monde Elisa Balsamo, Katarzyna Niewiadoma et Silvia Persico. La légende néerlandaise en a profité pour s’offrir l’étape et endosser le maillot jaune, qu’elle n’a plus lâché depuis, ajoutant même un second succès vendredi.
En fait, il n’y a pas eu un jour sans baston entre les leaders, qui ne se sont jamais cachées. Sur la route d’Epernay, mardi, c’est parti dans tous les sens à partir de la côte de Mutigny, à 15 bornes de l’arrivée, et la grande favorite Annemiek van Vleuten, un peu malade, n’a pas pu suivre le rythme. Les chemins blancs et leurs raidards, mercredi, ont fait leur petit effet également, comme le final escarpé vers Rosheim vendredi.
L’avis de Paul Brousse : « Tout le monde a pu se rendre compte que chez les filles aussi, c’est du sport de très haut niveau. Ça roule vite, il y a du suspense, avec de belles passes d’armes entre les meilleures. Ça va bouger jusqu’aux derniers kilomètres, dimanche. Le spectacle est beau, on a un peu de nervosité parce que c’est le Tour de France, on en parle depuis un an maintenant, et puis elles ont toutes l’envie de bien faire. J’ai vu passer des remarques sur les chutes, mais il y en a aussi chez les garçons, et c’est complètement inhérent à la course. En tout cas, du fait du parcours et de la composition des équipes (seulement 6 coureuses), c’est plein de rebondissements. La bagarre peut vraiment se déclencher à tout moment. »
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Le programme du week-end
Attention, ça va grimper. Fort. Samedi, les coureuses vont devoir avaler 127 km entre Sélestat et Le Markstein Fellering, avec trois jolis cols de première catégorie à gravir. Le Petit Ballon, le Platzerwasel puis le Grand Ballon, dans cet ordre, vont opérer une sélection drastique entre les favorites, et les écarts, minimes pour l’instant au sein du top 10 (la Suissesse Elise Chabbey est 10e à 2’24 de Marianne Vos), vont prendre de l’ampleur. Et puis dimanche, une dernière étape en forme d’apothéose.
D’abord avec un passage teinté d’histoire au Ballon d’Alsace, qui fût le premier grand col du Tour de France messieurs franchi en 1905. C’est la première fois qu’il sera grimpé dans une épreuve par étapes féminine. Mais ce n’est pas tout. L’arrivée sera ensuite jugée au sommet de la terrible Planche des Belles Filles, escaladée en mode « Super », c’est-à-dire avec le fameux dernier kilomètre non bitumé et ses passages à plus de 20 %. « Rien que d’y penser, j’ai mal aux jambes », disait Marie Le Net en se marrant, vendredi. Celle qui sera sacrée là-haut l’aura bien mérité.
L’avis de Paul Brousse : « Ça va être très dur, en plus elles arrivent au bout d’une semaine de compétition, on voit que la fatigue s’installe, c’est normal. Il fait chaud, aussi. Ça va être un feu d’artifice pendant deux jours, et même s’il y a des gros écarts samedi, tout peut être chamboulé dimanche. J’ai hâte d’y être. La Planche est un col très difficile, mais les filles ont l’habitude de ce genre de difficulté. Sur le Tour d’Italie, elles passent par le Stelvio et d’autres cols durs comme ça. La Planche mettra les leaders à leur place. »
Qui pour remporter ce Tour de France ?
Tout dépendra de l’état de forme de la grande favorite Annemiek Van Vleuten, qui a avoué avoir failli abandonner en début de semaine. Si la Néerlandaise, qui dit aller de mieux en mieux, récupère effectivement ses jambes, on peut compter sur elle pour refaire sa minute de retard au général (9e). En tout cas, tout est très ouvert pour la victoire finale. A priori, Marianne Vos n’a pas le profil pour conserver son rang dans la haute montagne. Mais même à 35 ans, il ne faut pas sous-estimer l’une des plus grandes cyclistes de l’histoire, championne olympique, triple championne du monde et triple vainqueur du Giro. Derrière elle, les meilleures grimpeuses du peloton, Katarzyna Niewiadoma, Demi Vollering, Ashleigh Moolman ou Elisa Longo Borghini, sont toutes à l’affût, dans un mouchoir de poche. Ça va saigner.
L’avis de Paul Brousse : « Franchement, c’est pas évident d’en dégager une. Van Vleuten était l’épouvantail de ce Tour, elle semble un peu en dessous depuis le début de semaine. Est-ce qu’elle va pouvoir se refaire d’ici à dimanche ? Pas sûr, c’est quand même difficile de se retaper quand on est sur le vélo quatre ou cinq heures par jour. J’ai l’impression que Vollering, avant sa chute, avait l’air très bien. Ludwig a peut-être ses limites dans les cols plus longs, mais elle a l’air au top de sa forme. Elles sont toutes là, placées, en tout cas. On attend que ça se découse ce week-end. »
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Et les Françaises, alors ?
Les espoirs de la nation reposent sur Juliette Labous, 7e du général à un peu plus d’une minute de Vos. La jeune coureuse de l’équipe DSM, 23 ans, arrive enfin sur son terrain. Et elle piaffe d’impatience. « J’espère un top 5, je pense que c’est carrément jouable », projette-t-elle. Lauréate d’une grosse étape de montagne sur le Tour d’Italie au début du mois, elle pourrait même voir un peu plus haut.
Derrière elle, Evita Muzic, 23 ans également, réalise un joli Tour. On l’a vu devant dans le final de la 4e étape, mercredi, prenant la 2e place à Bar-sur-Aube devant la costaude Alena Amialiusik. 12e du général, elle peut espérer intégrer le top 10, même si sa mission principale sera sûrement d’épauler sa leader Cecilie Ludwig. D’autres coureuses tricolores se sont illustrées, notamment Marie le Net vendredi et Victoire Berteau la veille. Encore des jeunes (respectivement 22 et 21 ans). Le cyclisme féminin français se porte bien, et le grand public aura découvert leur nom et leur visage.
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L’avis de Paul Brousse : « Selon moi, Juliette (Labous) est dans la forme de sa vie en ce moment, elle fait une course parfaite depuis le début. Elle dit viser un top 5, mais elle peut entrevoir le podium et pourquoi pas le maillot jaune. C’est une petite pépite, elle a du caractère, beaucoup de détermination dans son projet sportif, et elle est extrêmement méticuleuse. Elle met tout en œuvre pour que ça se passe bien, avec de l’ambition. Pour l’instant elle progresse d’année en année, et pour moi ce n’est pas près de s’arrêter. C’est à l’heure actuelle la coureuse française la plus complète, une potentielle vainqueur du Tour de France à court terme. »
« Evita (Muzic) est une belle athlète en devenir, elle a peut être moins de qualité en contre-la-montre mais elle a un peu plus de punch que Juliette, sur une arrivée en petit groupe elle est capable de conclure au sprint. C’est une vraie finisseuse, quand elle se retrouve pour la gagne elle se trompe rarement. Elle a la gagne dans le sang, et si elle peut jouer sa carte ce week-end, elle peut croire en une victoire d’étape. De manière générale, je suis vraiment content de voir les Françaises bien se comporter, elles vont de l’avant, elles prennent beaucoup de plaisir sur ce Tour. Il y avait pas mal d’appréhension et de nervosité avant la première étape sur les Champs, elles se demandaient un peu à quelle sauce elles allaient être mangées, mais maintenant que c’est parti elles kiffent, elles tentent des choses. C’est bien, c’est comme ça qu’on progresse. »