Après deux ans de célébrations limitées en raison de la pandémie, Israël a fait la fête mercredi soir pour marquer le début de Yom HaAtsmaout. Mais dans une grande partie du pays, un des éléments de base de la fête manquait à l’appel.
Les feux d’artifice sont traditionnellement les rois de la fête, mais cette année, de nombreuses municipalités ont préféré s’en passer. L’État lui-même a opéré un changement, pour la principale cérémonie au mont Herzl à Jérusalem, en utilisant ce que les organisateurs qualifient de « pièces pyrotechniques silencieuses ».
À Tel Aviv, où la Déclaration d’indépendance a eu lieu en 1948, cette année, les cafés et les bars étaient bondés et la rue en fête, mais il n’y a pas eu de feux d’artifice.
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La décision prise à Tel Aviv, comme dans de nombreuses autres régions, a été prise par égard pour de nombreux anciens combattants israéliens – et d’autres – qui souffrent de trouble de stress post-traumatique, ou TSPT.
« Nous sommes attentifs à la situation de tous, et après beaucoup, beaucoup de réflexion et une enquête complète, j’ai décidé qu’il n’y aurait pas de feux d’artifice cette année pour la cérémonie du Jour de l’Indépendance », a annoncé cette semaine le maire de Tel Aviv, Ron Huldai.
« Ce qui a le plus influencé cette décision est la demande venue des soldats atteints de TSPT d’annuler le feu d’artifice, qui vaut aussi pour les personnes handicapées », a-t-il expliqué.
Plus d’une vingtaine de municipalités ont également annulé les feux d’artifice, dont Ramat Gan, Givatayim, Kiryat Ono, Herzliya, Raanana, Hod Hasharon, Ramat Hasharon, Eilat, Binyamina-Giv’at Ada, Shlomi, Nahariya, Karmiel, Ramla, Kiryat Motzkin et Pardes Hanna-Karkur.
Yom HaZikaron, Jour du Souvenir en hommage aux soldats tombés au combat, est également devenu celui de la souffrance des anciens combattants. On le commémore un jour avant l’Indépendance. Dans le calendrier juif, la date change le soir ce qui explique que l’on passe passe du deuil à la célébration pendant la nuit.
Cette juxtaposition des dates est considérée comme le meilleur moyen de se rappeler le sacrifice de certains pour garantir l’existence de l’État, mais certaines familles endeuillées et certains anciens combattants estiment la transition trop brutale.
D’anciens combattants confient que la charge émotionnelle de la journée est accrue par les explosions des feux d’artifice, semblables aux bruits de la guerre. Les psychologues expliquent que le bruit des feux d’artifice peut donner à certains anciens combattants la sensation de revivre le traumatisme initial.
Jusqu’à présent, ces plaintes et demandes avaient été ignorées par les organisateurs des célébrations. Pourquoi ce changement cette année?
Il existe un contexte tragique. Il y a un an, juste avant Yom HaAtsmaout, un vétéran souffrant de TSPT s’était présenté dans les bureaux du département de réadaptation de Tsahal à Petah Tikva avec une bouteille pleine d’un liquide inflammable et s’en était aspergé avant de s’immoler par le feu dans l’entrée.
Itzik Saidyan, qui souffrait de TSPT à la suite de la guerre de Gaza de 2014, était en colère parce qu’il ne recevait pas les soins appropriés. Depuis lors, la situation des soldats atteints de TSPT a fait l’objet d’une attention sans précédent.
Le chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kohavi, avait déclaré à l’époque : « Parmi nos soldats et nos réservistes, il y a ceux dont les blessures ne se voient pas et ils portent en eux les cicatrices de la guerre depuis de nombreuses années. Tsahal et le peuple d’Israël ont une grande dette envers ceux qui mettent leur esprit et leur vie en danger pour protéger le pays. Nous devons tout faire pour eux. »
Peu de temps après, le ministère de la Défense s’est engagé à améliorer ses services aux anciens combattants souffrant de handicap. Le directeur général du ministère de la Défense, Amir Eshel, a qualifié l’acte désespéré d’Itzik Saidyan de « signal d’alarme ».
L’amélioration de la santé de Saidyan, suite à ses importantes brûlures a été suivie de près par la nation, et l’empathie envers les autres personnes souffrant de TSPT s’est généralisée.
En mars, un soldat israélien blessé lors de la guerre de Gaza en 2014 et souffrant de TSPT s’est suicidé. Âgé de 27 ans, Reuven Magen avait servi comme combattant de corps blindé dans le conflit connu sous le nom d’opération « Bordure protectrice ». Il avait été grièvement blessé dans une attaque au cours de laquelle cinq de ses camarades avaient trouvé la mort.
Deux autres facteurs ont joué dans la refonte cette année des modalités de célébration.
Le premier est la pandémie, qui avait déjà altéré la tradition de Yom HaAtsmaout, en empêchant le tir de feux d’artifice en 2020 et en provoquant l’annulation des festivités dans certaines villes l’an dernier. Dès lors, la tradition des tirs de feux d’artifice n’était plus intouchable.
Le second tient au changement de gouvernement. Il y a deux ans, Chili Tropper, travailleur social devenu politicien au sein du parti centriste Kakhol lavan, a succédé à la traditionaliste radicale Miri Regev au poste de ministre de la Culture.
Il a contribué à mettre la question à l’ordre du jour, modifié les modalités de la cérémonie nationale et invité les municipalités à en faire autant, en renonçant aux feux d’artifice.
De ce fait, les municipalités doivent aujourd’hui se justifier si elles organisent des feux d’artifice, là où jusqu’à présent, on s’attendait à ce qu’elles se justifient si, en rabat-joie, elles n’en organisaient pas.
Ce n’est que le début car il est certain que l’année prochaine, davantage de municipalités se passeront de feux d’artifice. Cela fera de Yom HaAtsmaout une fête à la fois plus douce et attentive à tous.