«E pluribus unum», «de plusieurs, un». Lire cette devise sur le sceau des Etats-Unis, les passeports et billets semble irréel aujourd’hui, tant le pays, qui célèbre son indépendance ce 4 juillet, se déchire dans une inquiétante atmosphère réactionnaire.
«Qu’y a-t-il à célébrer lors de cette fête nationale ?» se demandent les démocrates hébétés. Pour quelle volte-face rétrograde de la Cour suprême faudrait-il organiser un barbecue ? L’abolition du droit à l’avortement ? La sanctuarisation du droit de porter une arme ? La limitation des moyens de l’Etat fédéral pour lutter contre les gaz à effet de serre ? Le saccage à venir du droit à la contraception, au «mariage homosexuel» ou au «mariage interracial» ?
Faut-il tirer un feu d’artifice pour le retour annoncé de Donald Trump pour la présidentielle 2024 après des mois de révélations stupéfiantes sur la tentative de coup d’Etat du 6 janvier 2021 ? En tout cas, ses partisans à la casquette «Make America Great Again» sont prêts à trinquer à la «reprise du pays». Elle a d’ailleurs commencé du côté des institutions. La plus haute juridiction des Etats-Unis est menée par six juges républicains contre seulement trois juges démocrates. Et l’efficacité d’une telle manœuvre n’est plus à prouver… Plus insidieusement, des mesures visant à limiter la participation électorale des démocrates dans plusieurs Etats rendent très peu probables les espoirs de sursaut aux élections de mi-mandat, dans quatre mois, comme aux prochaines…
Ces mauvaises nouvelles qui nous viennent de l’autre côté de l’Atlantique doivent sonner comme un avertissement pour toutes les grandes démocraties : oui, il est possible de revenir sur un demi-siècle de libertés et d’acquis si on ne les protège pas suffisamment. En infiltrant nos systèmes politiques, les franges les plus conservatrices de l’échiquier peuvent détraquer la plus belle des machines. Il ne faudrait pas que nous aussi, le 14 juillet, nous nous demandions : que nous reste-t-il à célébrer ?