Ces Nantais avaient un incroyable talent. Dans les années d’après-guerre, la semaine, ils étaient ouvriers, employés, artisans… Le week-end, ils étaient artistes. Aujourd’hui, le couple Cassard.
On ne peut pas évoquer le parcours artistique de Joël Cassard sans parler de celui de son épouse Jacqueline, et inversement. Depuis un demi-siècle, il en est ainsi. En fait depuis que leurs routes se sont croisées au conservatoire de Nantes, où ils étaient les élèves de Jacques Couturier.
Pour lui, le théâtre, c’était un rêve, mais il a longtemps hésité avant de franchir le Rubicon, avant de frapper à la porte dudit conservatoire. Elle, pour ce qui la concerne, avait d’abord envisagé d’être harpiste. Sa prof de musique l’en a dissuadée. Plus exactement, cette dernière avait la fâcheuse manie de corriger ses fausses notes par des coups de règle sur les doigts.
Jeunes et beaux
Ce premier acte ne pouvait commencer que par un mariage. Ce fut le cas en 1958. Ils étaient jeunes, ils étaient beaux. Question théâtre, la gloire n’était pas encore au rendez-vous, mais il n’empêche que l’on trouvait déjà leurs deux noms au générique des pièces de la compagnie du Petit-Colombier, dont ils étaient sociétaires.
La compagnie du Petit-Colombier, créée par Jacques Couturier, avait pour objectifs de faire découvrir les classiques à un public jeune qui, malheureusement, a tendance à les bouder. Elle est notamment à l’origine, dans les années cinquante et quelque, des « matinées classiques du jeudi ». Une création saluée par la presse nantaise, qui la qualifia de brillante réussite.
Du classique à La Cloche, il n’y a qu’un pas que, bien évidemment, le duo Cassard franchira ensemble. Au départ, en 1963, c’était pour dépanner. Ils y resteront sept ans pour Jacqueline, une année de moins pour Joël. Une chose est sûre, ces années ont marqué à jamais leur vie : « Qu’est-ce que l’on a pu rigoler », se souvient Jacqueline. C’est sans doute pourquoi ils n’ont jamais coupé le cordon ombilical qui les lie à la docte société.
La prof de Thierry Beccaro
Mais pour faire bouillir la marmite, le théâtre, même dans les années soixante, ce n’est pas le pied. Joël, pour subvenir aux besoins familiaux, va rejoindre la région parisienne et s’immerger dans le monde de la presse. Pour le théâtre, on verra ça plus tard, beaucoup plus tard. Pour Jacqueline, qui rejoindra son mari en région parisienne, la trêve sera plus courte, juste le temps que leurs deux fils soient autonomes.
C’est le début du deuxième acte quasiment monopolisé par Jacqueline, qui va reprendre contact avec le théâtre par l’intermédiaire du centre culturel de Meudon. C’était avant de devenir professeur d’art dramatique au conservatoire de Meudon-Sèvres. Où elle aura, notamment, comme élève, un certain Thierry Beccaro, aujourd’hui animateur à la télévision, ce qui ne l’empêche pas, et il le démontre, d’être un très bon comédien.
On allait oublier de rappeler qu’elle a été, dix ans durant, à Polytechnique, « non pas comme élève, mais comme professeur de dramaturgie, précise-t-elle. J’en garde de très bons souvenirs… » Un deuxième acte qui se terminera quasiment avec le siècle pour tous les deux.
Dans un film de Chabrol
Retour à Nantes. Début du troisième acte, celui de leurs retrouvailles avec le microcosme théâtral nantais. Jacqueline va en profiter pour tourner, en 2003, à Rezé, dans le film de Claude Chabrol La demoiselle d’honneur, avec Benoît Magimel, Bernard Le Coq, Laura Smet et Suzanne Flon « qui m’a piqué une partie de mon texte… » Mais ceci est une autre histoire.
Ce retour à Nantes va surtout leur permettre de s’impliquer dans la compagnie Côté cour, Côté jardin, chère à Émilie Faure, dont l’objectif est de faire découvrir les subtilités des textes de Molière ou de Shakespeare aux jeunes, voire aux moins jeunes. Un petit coup de main aussi à la compagnie Nelly Daviaud. Toujours est-il que les amateurs à cent pour cent qu’ils sont ne chôment pas : « On a plein de projets, on est débordé. »
Cela fait quinze ans qu’il en est ainsi et c’est bien parti pour durer encore longtemps.
La semaine prochaine : Marcel Chicot des Chantiers de la Loire au Centre Dramatique de l’Ouest.