Jean-Michel Dambielle
Directeur général opérationnel de Ruggieri, filiale du groupe toulousain Etienne-Lacroix.
Ce 14-Juillet, les feux d’artifice seront quasiment absents du ciel. Quel état des lieux dressez-vous pour votre groupe, leader du secteur ?
Pour resituer ce sinistre sans précédent dans notre activité, il faut rappeler quelques chiffres. Spécialiste de la pyrotechnie, le groupe Etienne-Lacroix a plusieurs branches : le transport des matières dangereuses, la défense avec, entre autres, les leurres thermiques pour l’aéronautique militaire, l’industrie de systèmes pyrotechniques comme les explosifs pour déclencher les avalanches, par exemple et, donc, Ruggieri pour les feux d’artifice. Au total, Etienne Lacroix pèse 130 à 140 M€ de CA selon les années et emploie 800 personnes. Les spectacles pyrotechniques Ruggieri représentent, eux, en moyenne, 30 M€ et 50 personnes travaillent à l’année sur notre plate-forme logistique de Haute-Garonne. L’effectif y double d’avril à juillet tandis que nous avons 200 artificiers sous contrat durant la durée des grands chantiers comme Carcassonne et Toulouse. Mais si l’on ajoute à cela notre réseau de 20 concessionnaires ayant chacun 200 artificiers aussi, ce sont plus de 4 000 personnes qui manipulent nos produits, sachant que pour les seuls 13 et 14 juillet, on a environ 4 000 feux d’artifice entre maison-mère et concessionnaires. Avec 90 % d’annulations, 2 020 sera donc une année noire pour les artificiers, 80 % de nos salariés étant en chômage partiel tandis que nous restons dans l’expectative pour nombre d’événements internationaux.
C’est-à-dire ?
Au-delà de Toulouse ou de Carcassonne et de l’Europe, l’été, nous travaillons aussi beaucoup avec les pays du Golfe et de l’Asie, d’octobre à février, le pic étant le réveillon du 31 décembre. Cette année, nous sommes ainsi en lices pour la tour Burj-Khalifa, la plus haute tour du monde, mais compte tenu de l’incertitude liée à une éventuelle deuxième vague du Covid-19, Dubaï attend pour confirmer les commandes et ils ne sont pas les seuls dans cette situation.
Pour en revenir à ces 90 % d’annulations enregistrées… Nombre de petites communes sont en dessous du seuil de 5 000 spectateurs retenu comme jauge maximale. Comment l’expliquez-vous ?
Depuis le début de cette crise du Covid, nous sommes régulièrement face à des situations paradoxales et une disparité de décisions sur le territoire national… Le maintien du feu d’artifice du 14-Juillet a Paris ou l’autorisation de plus de feux d’artifice dans l’Est et le Nord-Est de la France – zones pourtant les plus touchées par l’épidémie- qu’en Occitanie, où nous n’en aurons a priori qu’un seul en Haute-Garonne, en sont des exemples. Les mesures sanitaires liées à la pandémie et le fait que les maires aient dû prendre des décisions entre les deux tours, alors qu’ils n’étaient pas réélus, a bien sûr joué, tout comme les images de la fête de la Musique à Paris ont entraîné une cascade d’annulations. Principe de précaution : beaucoup d’élus ont annulé d’eux-mêmes sans même déposer un dossier de demande d’autorisation en préfecture. Mais de notre côté, nous avions aussi fait des propositions à nos clients pour tirer ces feux de points hauts afin de pouvoir répartir les spectateurs sur des sites permettant le respect des gestes barrière. Or même pour les petits villages, des préfets ont demandé aux maires de s’abstenir. C’est vraiment dommage, car nombre de communes voulaient « leur » feu.
Chômage partiel, CA qui risque de chuter à 3 M€… Au-delà, les savoir-faire sont-ils aussi menacés ?
C’est une vraie question. Pour conserver leur certificat d’aptitude, les artificiers ont un certain nombre de feux à tirer dans l’année. Nous sommes donc en discussion pour obtenir leur prorogation.