Vendredi 11 mars 2022 – Après un congrès en distanciel et une
édition annulée en raison de la pandémie, le congrès du CMG
(Collège de médecine générale) revient en 2022 au Palais des
congrès de Paris du 24 au 26 mars pour un évènement qui devrait
réunir 4 000 participants. L’occasion pour le JIM d’ouvrir ses
colonnes au Pr Paul Frappé, président du Collège.
JIM : Quel a été l’impact de la pandémie sur le CMG ?
Pr Paul Frappé : Il a été fort. Au niveau du fonctionnement,
on a été touché par la limitation des déplacements et le
développement du télétravail. Sur le fond, on a, surtout en 2020,
était assailli de sollicitations des différentes institutions avec
lesquelles nous collaborons en tant que conseil national
professionnel (CNP), avec des demandes d’avis assez urgents, dans
le cadre des réponses rapides de la HAS notamment. Il y a eu
également tout un travail d’adaptation de l’information à
destination du médecin généraliste, avec le développement du site
coronaclic.fr qui vise à trier les infos utiles sur la pandémie
pour la pratique du médecin généraliste. Concernant le congrès, il
y a eu une édition en visio en 2020 et l’annulation en 2021.
Sur le plan économique, la crise ne nous a pas particulièrement mis
en difficulté…puisque le collège est en précarité économique depuis
l’origine ! Mais sur ce point, il est prévu que le CMG en tant que
CNP bénéficie de subventions pérennes qui devraient davantage
sécuriser son développement.
JIM : Vous avez récemment publié un « kit addicto » concernant
la prise en charge du sevrage tabagique. Quelle est la position du
CMG sur la cigarette électronique ? Quand seront publiées les
prochaines fiches ?
Pr Paul Frappé : Les sept fiches restantes sont dans les
tiroirs et les tuyaux, elles devraient être publiées dans les
toutes semaines prochaines, peut-être d’ici le congrès.
Ne pas décourager le sevrage par la cigarette
électronique
Concernant la cigarette électronique, nous la considérons comme un
outil de réduction des risques et estimons qu’il ne faut pas
décourager le patient fumeur qui s’initie au vapotage dans une
optique de sevrage en lui indiquant bien qu’il faut éviter l’usage
concomitant cigarette/cigarette électronique. Il faut également
l’inviter à privilégier les e-liquides qui bénéficient de la norme
AFNOR.
JIM : Quels seront les principaux thèmes abordés durant le
congrès du CMG ?
Pr Paul Frappé : C’est un peu compliqué de répondre. C’est
extrêmement varié, ce sera un congrès feu d’artifice ! On aura les
incontournables : le cancer colorectal, les troubles du
neurodéveloppement, la prise en charge de l’adolescent, de la
personne âgée… On aura des nouveautés, sur la PrEP, sur la
télémédecine forcément, sur la Covid bien entendu. On va aussi
parler des grands enjeux de sociétés : les inégalités sociales de
santé, l’environnement…On aura aussi une approche syndicale, avec
des sessions sur la rémunération par exemple. Sans oublier tous les
ateliers sur les gestes techniques, qui rencontrent toujours un
grand succès.
« Que les candidats abandonnent les miroirs aux
alouettes »
JIM : Quelle est la principale mesure concernant les médecins
généralistes que vous attendez des candidats à l’élection
présidentielle ?
Pr Paul Frappé : On a un peu discuté pour savoir si en tant
que Collège on allait aller à la rencontre des différents
candidats. Cependant, nous ne sommes pas un syndicat et ce n’est
pas notre rôle de se mettre dans une telle position. Quoi qu’il en
soit, la principale attente c’est surtout un changement de discours
: que les candidats abandonnent les miroirs aux alouettes sur les
restrictions à l’installation, qui, selon nous, ne feront
qu’aggraver les difficultés et feront déchanter beaucoup de monde.
JIM : Le CMG a fait part de son soutien au peuple ukrainien.
Quelles actions concrètes envisagez-vous ? Etes vous en contact
avec vos confrères ukrainiens ?
Pr Paul Frappé : Nous sommes en contact indirectement avec
des confrères ukrainiens par le biais de la WONCA (World
Organization of National Colleges, Academies and Academic
Associations of General Practitioners/Family Physicians) dont est
membre le CMG. Nous avons donc pu échanger avec des confrères
ukrainiens qui nous ont fait part de leur situation et qui ont très
rapidement alerté quant à leur manque de matériel, notamment en
traumatologie, dont malheureusement nous ne disposons pas très
largement non plus dans nos cabinets. La question était donc,
faisons-nous une collecte ? Le problème est que le CMG n’a pas les
compétences pour ce type d’actions. Nous avons donc songé à des
transferts financiers, mais là aussi la question de l’interlocuteur
à privilégier sur place pose problème. Le risque est en effet
qu’une fois transféré, l’argent ne serve pas qu’à de
l’humanitaire… Finalement on a opté pour une méthode classique :
nous appelons les médecins généralistes à donner au Fonds de l’ONU
pour l’Ukraine, à la Croix-rouge internationale, à Médecins du
monde et à Médecins sans frontières
JIM : Quel regard portez-vous sur le « scandale Orpéa »
?
Pr Paul Frappé : De nombreux médecins généralistes
interviennent en EHPAD et ont conscience des difficultés de ces
établissements et de faire partie des dysfonctionnement identifiés
: le faible nombre de médecins en EHPAD est en effet sans doute
l’une des clés du problème. Cependant, c’est un sujet, sur lequel
le CMG n’a pas encore décidé de prendre position.
JIM : Quel est aujourd’hui le niveau d’implication des médecins
généralistes en ce qui concerne le DPC ? Qu’est-ce qui pourrait,
selon vous, les attirer davantage vers ces formations ? Quel regard
portez-vous sur l’exclusion des remplaçants du dispositif et sur
l’évolution des conditions concernant la formation à la maîtrise de
stage ?
Pr Paul Frappé : S’il est toujours rassurant de pouvoir
s’appuyer sur des chiffres, malgré leur existence, demeurent
cependant de nombreuses inconnues. Il y a les chiffres de l’ANDPC
qui concernent les actions de DPC indemnisées, mais il y aussi tous
ceux qui font du DPC, un peu comme Monsieur Jourdain, sans le
savoir. D’autant que l’ANDPC ne comptabilise pas les médecins
salariés. Sans oublier que sur les 85 000 médecins inscrits comme
médecins généralistes à l’Ordre, on ne sait pas vraiment quelle
part exerce vraiment la médecine générale au sens où on l’entend
habituellement ! Quoi qu’il en soit, nous constatons, concernant le
DPC indemnisé, qu’il y a encore très peu de médecins qui s’y sont
impliqués. Ainsi, d’après les chiffres, 12 800 médecins
généralistes auraient validé leur obligation triennale.
Exclure les remplaçants du DPC : une décision
malheureuse
Par ailleurs, sans rentrer dans les détails, nous estimons qu’il y
a clairement une nécessité de faire évoluer le système…
Pr Paul Frappé : Je leur dirais de venir s’y aérer et
d’aérer leur pratique ! La spécificité de ce congrès c’est que s’y
retrouve toute la diversité de la médecine générale. Il représente
toutes les dimensions de l’exercice qui éveillent l’appétit et la
curiosité avec du professionnel, du scientifique, de la formation,
etc.
Interview réalisée par Frédéric Haroche