« Oh la belle rouge… Oh la belle bleue… » Voilà bien une expression que vous aurez du mal à entendre cet été en France, la plupart des feux d’artifice étant « portés disparus » au champ de malheur que laisse derrière lui ce satané coronavirus. Ce n’est pas que l’esprit de fête du 14-Juillet qui est en berne, c’est toute une économie, celle du petit monde de la pyrotechnie. En Lot-et-Garonne on le sait plus qu’ailleurs, puisque le département possède deux entreprises historiques qui lui sont étroitement liées.
Bugat Pyrotechnie ne tirera que 3 feux pour le 14 juillet
Du côté de Villeneuve-sur-Lot, l’entreprise Bugat Pyrotechnie existe depuis 1896 et en 124 ans d’existence, hormis en période de guerre, elle n’avait jamais connu pareille marasme. « À l’origine, on devait tirer une soixantaine de feux d’artifice sur deux jours, les 13 et 14 juillet, nous n’en avons plus que trois sur notre carnet de commandes. Et encore, ils sont tous les trois hors du département, dans le Var et les Hautes-Pyrénées », se désole Denis Lagrange, gérant de Bugat Pyrotechnique depuis 2016. Heureusement pour la société, son activité de négoce de produits lui permet de vivoter. « Cela m’a permis de faire travailler mes 5 salariés deux jours par mois, pour le reste ils sont au chômage partiel. Et si le dispositif se termine à la fin du mois d’août, ils seront au chômage tout court », poursuit l’artificier.
« Pas d’interdiction a priori », selon la préfecture
Pour expliquer sa situation précaire du moment, il avance bien évidemment l’argument de la crise sanitaire, mais il en veut aussi à la préfecture. « Aujourd’hui, n’importe qui peut tirer des feux d’artifice F3 ou F2, qui ne tombent pas sous le coup d’une certification, mais tous les dossiers des feux d’artifice F4, que seuls les professionnels ont le droit de mettre en place, sont refusés », peste Denis Lagrange. Le directeur de cabinet de la préfecture de Lot-et-garonne, Jean-Philippe Dargent, assure qu’il n’y a « pas d’interdiction a priori ». Selon le sous-préfet, « la question ne se pose pas à propos des feux d’artifice mais concernant le respect des gestes barrières et de la distanciation sociale ». Si on écoute l’Etat, il y aurait déjà une autocensure des maires : « Il y a très peu de demandes. Les élus ne veulent pas prendre de risques à l’égard d’animations qui drainent des grappes assez importantes d’individus ou de familles, avec du mouvement. » En tout et pour tout, la préfecture s’apprête ainsi à ne recevoir que 4 demandes d’autorisation durant l’été. »
ATPM connaît aussi la crise
Et pourtant, Bugat Pyrotechnie n’est pas la seule entreprise du secteur à pâtir de la crise dans le département. C’est également le cas d’ATPM, la société dirigée par Corinne Maurice du côté d’Hautefage-la-Tour et Frespech. ATPM est l’un des derniers fabricants de feux d’artifice en France. « On doit faire face à la concurrence de la Chine, de l’Espagne et d’autres pays mais on se bat pour notre savoir-faire et la qualité de nos produits », explique la propriétaire. Sauf qu’ATPM et les 6 personnes qu’elle emploie, à l’année pour certaines ou à la saison pour d’autres, s’apprêtent à vire « une année blanche ». « Depuis le 15 mars, nous n’avons plus aucune commande et les commandes reçues de janvier à mars ont quasiment toutes été annulées », soupire Corinne Maurice. Elle reconnaît que « l’aide de l’Etat a été la bienvenue, notamment avec le chômage partiel », mais elle sait qu’elle sera tout de même obligée de puiser dans ses fonds propres pour sauver ce qui peut l’être. » Voilà comment une industrie habituée à donner le sourire au plus grand monde se retrouve à faire la grimace au cœur d’un été qui est habituellement sa saison privilégiée.