Pour Jean-Michel Blin, le feu d’artifice qui sera tiré du plan d’eau de Saint-Yrieix, ce soir à 23 heures, aura un arrière-goût de nostalgie. Ce sera la dernière fois que l’artificier charentais de 65 ans sera à la tête du dispositif de tir.
Le feu d’artifice du plan d’eau est le plus important du département et, pour la première fois, c’est Jean-Michel Blin qui l’a entièrement imaginé. Après vingt années passées à écrire et à tirer des feux d’artifice, le créateur d’Un Jardin dans la nuit, une entreprise d’assemblage d’artifices bruts située à Mornac, partira à la retraite et passera le flambeau à son collègue, David Sillon. Lui reste à tirer le feu d’artifices du Bouchage – qu’il a également écrit – demain jeudi, et celui de Villejésus, vendredi.
140 feux d’artifice par an
Musicien, électricien… Jean-Michel a cumulé les métiers avant de travailler avec son père à La Gaîté charentaise, célèbre magasin d’articles de fête d’Angoulême, dans les années 80. « En 1992, le seul fabriquant d’artifices de Charente a arrêté son activité. Je me suis dit qu’il y avait une place à prendre. J’aime le monde du spectacle et j’ai pensé que cela me permettrait de développer l’entreprise familiale. »
Jean-Michel fait son premier feu musical en 1993, à Saint-Michel. Et se prend au jeu. « Je me suis aperçu qu’en étant musicien et artificier, on pouvait créer quelque chose. » Il apprend alors sur le tas. « À La Gaîté charentaise, je vendais des fusées. Et ce que vous avez fait l’année d’avant vous aide l’année d’après. Je connais les produits et je travaille beaucoup à l’instinct. »
En 1998, Jean-Michel imagine le feu d’artifice d’Angoulême. Deux ans plus tard, Daniel Jacques, directeur de l’école de voile Éric-Tabarly au plan d’eau de Saint-Yrieix, fait appel à lui pour le feu d’artifice du 14 août. Un partenariat qui durera jusqu’à cette année.
L’activité d’artificier de Jean-Michel Blin se développe et, en 2006, il crée Un Jardin dans la nuit, seule boutique d’artifices installée en Charente. Depuis, il exporte également son savoir-faire en Charente-Maritime, Dordogne, Vienne, Gironde et Deux-Sèvres. « Je fais 140 feux par an. Environ 70 % d’entre eux ont lieu en Charente. Je m’occupe de la moitié des feux d’artifices du département. »
Rien n’est laissé au hasard dans les feux d’artifices de Jean-Michel. À chaque fois, le Charentais dessine un schéma, un plan de tirs où sont notés les différents artifices, leurs couleurs, leurs effets et le nombre de secondes qu’il doit y avoir entre chaque tir. Pluie, saule pleureur, fontaine… le feu d’artifice est imaginé et couché sur feuille en fonction des musiques choisies en premier lieu. « Je ne fais pas de feux d’artifice standards, proposés dans un catalogue en fonction du budget des organisateurs. » Celui de Saint-Yrieix a demandé dix jours d’écriture et de discussions, une semaine de montage et deux jours d’installation pour les 14 personnes qui vont mettre la main à la pâte.
Une organisation qui, malgré tout, n’enlève rien au stress du jour J. « On a la même peur que les agriculteurs. On travaille, mais on ne sait pas si on va récolter quelque chose. S’il se met à pleuvoir juste avant, c’est fichu et il faut attendre un an de plus. On ne peut pas essayer les artifices avant, on ne sait pas si cela va fonctionner. Ce n’est pas une science exacte », sourient Jean-Michel Blin et Daniel Jacques.
Une nouvelle vie
Jean-Michel Blin reconnaît qu’il a déjà un pincement au cœur, car il sait qu’il ne reverra plus ses clients. L’artificier va commencer une nouvelle vie dans le Massif central où il va tenir un gîte d’étape avec sa compagne, artificière également. Mais il n’exclut pas de continuer à « écrire » des feux d’artifices en tant que bénévole si l’occasion se présente. En attendant, il assure qu’il n’oubliera pas son équipe d’artificiers et Alain Castaing, qui lui avait fabriqué des systèmes de tir innovants.
Et comme le chantera Freddie Mercury lors du feu d’artifice de Saint-Yrieix ce soir : « The show must go on ».
Le feu d’artifice du plan d’eau de Saint-Yrieix sera tiré ce soir, à 23 heures.