Dimanche soir, Metz va faire exploser 1 296 bombes au-dessus du plan d’eau, pour 30 000 €. Un artificier détaille ce curieux business. Il dénonce la malhonnêteté de certains professionnels.
Le plan d’eau à Metz prêtera son cadre aux éclats du feu d’artifice. Photo archives RL/Karim SIARI
Un artificier ne prend jamais ses vacances le 14 juillet.
DOSSIER
« Sur deux jours, les 13 et 14 juillet, nous réalisons les deux tiers de notre chiffre d’affaires annuel », révèle Frédéric Ferrara, président de la société Embrasia, à Fameck. Pour ce week-end, son entreprise a décroché une cinquantaine de contrats à travers la grande région. Pour les honorer, il fait appel à des vacataires qu’il a préalablement formés.
Le plus gros : celui conclu avec la Ville de Metz. 30 000 € TTC. Un marché que de nombreux concurrents rêvaient de remporter. « Nous étions une dizaine sur les rangs », sourit Frédéric Ferrara. Pourtant, ce n’est pas le contrat le plus juteux qui soit. « 30 000 €, pour une ville comme Metz, ce n’est pas énorme, observe-t-il. Même Thionville dépense plus par exemple. D’autres grandes villes sont bien au-dessus. »
1 296 bombes et plus de 10 000 projectiles
Mais si tous les artificiers se battent pour tirer le feu d’artifice du 14-Juillet messin, c’est surtout dans l’optique de décrocher un autre contrat beaucoup plus lucratif : le feu d’artifice de la fête de la mirabelle. « C’est clairement un de nos objectifs, admet l’entrepreneur de Fameck. Metz peut dépenser trois fois plus pour les fêtes de la mirabelle que pour le 14-Juillet, constate Frédéric Ferrara. Certaines années, le budget du feu d’artifice de la Mirabelle tournait autour des 100 000 €. C’est énorme. De quoi faire quelque chose d’exceptionnel. »
Dimanche soir, pour en mettre plein la vue à tout le monde et gagner des points dans la course au Graal, il va donc faire exploser 1 296 bombes et lancer 10 840 projectiles dans le ciel messin, pour ce qui sera « l’un des plus gros feux d’artifice du 14-Juillet tiré à Metz ».
Pourtant, il déplore que ces chiffres soient devenus un argument commercial dans ce business. « Lorsqu’une grande ville organise un feu d’artifice, les critères de sélection sont de trois natures : le prix, les moyens humains et techniques mis en place et l’esthétique, détaille Frédéric Ferrara. Mais ce dernier critère est très subjectif. En fait, les décideurs ne regardent que deux choses : la quantité de matière et la durée du feu. Et là-dessus, il y a de la malhonnêteté dans la profession. Certains annoncent beaucoup plus de bombes qu’ils n’en tirent effectivement. »
« Et puis il y a bombe et bombe, poursuit l’artificier. Je peux vous tirer un tableau de 50 bombes fabriquées en Italie ou en Espagne qui seront beaucoup plus jolies que 150 bombes importées de Chine… »
Dans cette course à la quantité et à la durée, Frédéric Ferrara se sent un peu bridé : « Notre spécialité, c’est la mise en musique et la synchronisation des feux d’artifice. Nous sommes capables de faire des choses magnifiques, avec des tirs programmés à deux dixièmes de secondes près. Mais je n’ai pas l’impression que cette performance technique et artistique intéresse beaucoup ceux qui commandent les feux… Ils préfèrent souvent quelque chose de plus simple, avec plus de poudre. »
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Anthony VILLENEUVE.